Critique du discours dominant comme projet d'émancipation
15-17 mars 2017 Pau (France)

Appel à communication 2017

Ah bé tè ! Troisièmes rencontres anthro-Pau-logiques
16-17 mars 2017 à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour

 

Critique du discours dominant
comme projet d’émancipation individuelle et collective

 

Sans se réclamer d’une école particulière de pensée ou encore moins de vouloir en fonder une, nous avons, au cours de trois rencontres1, investi l’anthropologie pour (nous) interroger (sur) les sociétés actuelles. Ces trois moments forment le triptyque d’une même recherche ou interrogation que sont les « anthro-Pau-logiques ». Pour rester fidèles à la tradition ethnographique et d’anthropologie sociale et culturelle, notre recherche nous a interrogé sur le symbolisme du triptyque et sur ce qu’il cache : s’agit-il d’un graal2 ou d’un point de vue plus philosophique, d’utopie3 (Manheim K., 1929) ? Sans apporter une réponse à cette question pourtant cruciale, le triptyque nous rappelle une certaine trilogie du religieux qui met en scène trois unités constitutives d’un même ensemble (le corps religieux) dont il faut pénétrer les propriétés pour en saisir le sens global.
Le premier moment de notre trilogie pourrait s’appeler l’Éden anthropologique. Cet épisode ethnographique a interrogé les sociétés par le biais des musiques populaires et de leurs apprentissages, du film ethnographique, de l’économie et de la politique renouvelée par des pensées, des courants et des évènements qui ont marqué ces dernières années (Berdou R. et al., 2015). L’objectif était d’offrir une lecture multidimensionnelle des imbroglios qui constituent et produisent les sociétés actuelles.
Le second moment a été celui d’une forme de contestation de cet Éden qui préfigure les multiples questions que nous nous sommes posées sur l’engagement du chercheur dans les sociétés actuelles où la démission, le désengagement semblent être la règle. Pour cela, nous avons écouté les voix de la contestation portées par le rock, le punk, le rap et la chanson engagée, et interrogé les nouvelles dissidences économiques alternative au mondialisme et critiques sociales et politiques. Une des réponses souligne le paradoxe tenace qu’il y aurait entre le fait d’être chercheur et celui de traduire un engagement. Le concept de « neutralité axiologique », utilisé par Max Weber, est instrumentalisé (Corcuff P., 2011) de façon à objectiver et valider une pensée dominante alors que les chercheurs sont, d’une façon ou d’une autre, engagés (Olivier de Sardan J.-P., 2000). Nous avons alors été amenés à voir toute la complexité de l’engagement et les formes de cécité qui empêchent certains chercheurs à appréhender leur propre positionnement.
Toujours en faisant référence à la symbolique religieuse4, le troisième volet de ce triptyque nous conduit à penser à une sorte d’« infernalité »5. Elle prend corps autour de la difficulté à appréhender et à mettre notre engagement de chercheur au service réel des sociétés actuelles. L’innovation, fonction même du chercheur en sciences sociales, ne risquerait-elle pas d’être bloquée par l’« inertie reproductive6» (Bourdieu P. et Passeron J.-C., 1964) ? Il nous apparaît alors utile d’aborder les questions de la critique comme une base du changement et d’émancipation des règles, des normes, des codes, des reproductions (Bourdieu P., 1992 ; 1997) pour voir si cet « impossible engagement du chercheur » serait le produit d’une solide, mais inconsciente répression de soi, et si tel était le cas, comment en sommes-nous arrivés là ?

Un rapide aperçu de la presse à grand tirage suffit à démontrer que lorsqu’elle traite de politique, elle parle invariablement des partis politiques comme étant incontournables. Elle nous propose donc inlassablement de plébisciter, par le vote ou toute autre action dite participative (mais de quoi ?), des organisations à vocations privées, des groupes d’individus ayant des intérêts particuliers (privilèges conférés par la fonction publique) transmués en intérêts publics. L’entreprise politique aux intérêts privés et reconnue d’utilité publique par une institution étatique centralisatrice impose son dictat, symbole de la négation de l’émancipation. Parce qu’elle est devenue la voix de cette propagande, la presse d’aujourd’hui aliène plus qu’elle n’émancipe (Chomsky N., 2013). Elle aliène en premier lieu l’objet, c’est-à-dire la politique, celle qui en soit n’est que la proposition de participer à la vie de la cité. Le vote comme moyen de participation a atteint ses limites ; il n’est que de voir la désaffection croissante des urnes7. En second lieu, cette presse aliène l’autonomie de la pensée de l’être, celle qui nous permet l’émancipation en véhiculant l’idée d’une pensée unique qui s’appellerait démocratie représentative (Graeber D., 2006) par le vote au travers de partis hégémoniques et bi-polarisants, dont l’alternance serait la vertu.
Pour autant, la presse qui nous intéresse ici, n’est pas celle qui transporte et diffuse ce discours dominant, mais celle que l’on appelle « médias communautaires », ces canaux d’informations localisés qui porte un réel projet d’émancipation, articulant le désir immédiat d’une vie meilleure et l’utopie comme étant la réalité de demain. Nous avons pris pour exemple le journal communautaire et régional Pays (diffusé en Gascogne et au Pays Basque Nord) parce qu’il porte une critique sociale et un projet d’émancipation ; il constitue une archives des luttes sociales des années 19708.
Concrètement, notre ambition est d’aborder l’émancipation, celle qui libère, permettant de créer et de penser l’Utopie. Dans ce cadre, le rôle des média est indéniable. La question centrale qui nous occupe est celle de la transition qui s’opère entre la presse communautaire d’hier et d’aujourd’hui, et la presse propagandiste médiatrice du discours dominant. Nous voulions comprendre l’incidence de ce décollement sur les trajectoires individuelles et le développement d’une pensée collective portée par la critique et l’émancipation. Dans ce séminaire, nous invitons à réfléchir sur les notions de critique et d’émancipation en partant d’exemples-types de médias et acteurs de presse communautaire, mais aussi de sujets sociétaux en rapport, ou non, avec cette presse.

 

Appel à communication :
Nous attendons les propositions de communication (comprenant un titre, un résumé de 10 lignes et une bio-bibliographie de 5 lignes) avant le 15 décembre 2016, à envoyer à l’équipe organisatrice :
lesanthropaulogiques@yahoo.com

Comité d'organisation
Rémy Berdou, laboratoire ITEM EA 3002, UPPA
Dominique Cunchinabe, laboratoire ITEM EA 3002, UPPA
Mélanie Larché, laboratoire ITEM EA 3002, UPPA
Mathilde Lamothe-Castagnous, laboratoire ITEM EA 3002, UPPA
Idrissa Mané, laboratoire ITEM EA 3002, UPPA
Txomin Poveda, laboratoire PASSAGES-UMR 5319, UPPA
Milo Villain, laboratoire PASSAGES-UMR 5319, UPPA

Bibliographie :
BERDOU Rémy, CUNCHINABE Dominique, LAMOTHE Mathilde, MANÉ Idrissa (dir.), Regards sur les Sociétés actuelles. Ah bé tè ! Les anthro-Pau-logiques, Presses universitaires de Pau, 2015.
BOURDIEU Pierre et PASSERON Jean-Claude, Les héritiers : les étudiants et la culture, Paris, Les éditions de Minuit, Collection Le sens commun, 1964.
BOURDIEU Pierre, Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Paris, Le Seuil, 1992.
BOURDIEU Pierre, Méditations pascaliennes, Paris, Le Seuil, 1997.
CHOMSKY Noham, Le bien commun. Entretiens avec David Barsamian, Montréal (Canada), Éditions Écosociété, 2013 [1998].
CORCUFF Philippe, « Le savant et le politique » dans SociologieS [en ligne], La recherche en actes, Régimes d’explication en sociologie, mis en ligne le 6 juillet 2011. Consulté le 16 octobre 2016, <http://sociologies.revues.org/3533>.
GRAEBER David, Pour une anthropologie anarchiste, Montréal (Canada), Éditions Lux, 2006.
MANNHEIM Karl, « Idéologie et utopie. Une introduction à la sociologie de la connaissance » dans Les classiques en sciences sociales, [en ligne] Université du Québec, Chicoutimi, 1929. Consulté le 16 octobre 2016, <http://classiques.uqac.ca/classiques/Mannheim_karl/mannheim_karl.html>.
OLIVIER DE SARDAN Jean-Pierre, « Le “je” méthodologique. Implication et explication dans l’enquête de terrain » dans Revue française de sociologie, 2000, pp. 417-445.

1: Ah bé tè ! Les Anthro-Pau-logiques : regards sur les sociétés actuelles. Premières rencontres à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour du 15 au 17 avril 2015.
Ah bé tè ! Les Anthro-Pau-logiques : regarder, écouter, s’engager ! Deuxièmes rencontres à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour les 11 et 12 février 2016.
2: Dont on sait qu’il s’agit d’une quête impossible autant qu’infinie ayant toujours le même objet pour le même exercice d’un pouvoir de soi sur les autres, de soi sur soi lorsqu’elle devient initiatique ou mystique.
3: Pour le sociologue Karl Mannheim, les idéologies et les utopies appartiennent à deux complexes d’idées différents. Le premier complexe dirige l'activité vers le maintien de l'ordre existant, alors que le second (celui des utopies) tend à créer des activités en vue d'un changement dans l'ordre dominant. Karl Mannheim, 1929.
4: « Qui se rapporte aux formulaires de la foi chrétienne ». Source : http://www.cnrtl.fr/definition/symbolique
5: Tous les caractères de ce qui est infernal, dans notre cas, comme une pensée difficilement supportable.
6: Nous reprenons ici l’idée de Pierre Bourdieux et Jean- Claude Passeron qui veut que le système d’enseignement exerce un « pouvoir de violence symbolique », qui contribue à donner une légitimité au rapport de force à l’origine des hiérarchies sociales.
7: De 5,8 % à 20,5 % de 1958 à 2012 aux élections présidentielles, de 25,2 % à 33,5 % aux municipales pour la même période et de 39,3 % à 59,4 % de 1979 à 2009 aux européennes. http://www.politiquemania.com/graphiques-abstention-europeennes.html
8: Nous utilisons médias communautaires dans le sens que leur donne l’UNESCO. Il s’agit d’une « alternative aux médias publics et commerciaux, les médias communautaires participent au développement social en relayant des opinions et des préoccupations sur des sujets spécifiques à un contexte donné, ainsi qu’en mettant en place des plateformes de débat et de discussion. Il s’agit de médias indépendants, qui appartiennent et sont gérés par la communauté ». http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/media-development/community-media/.
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